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Instagram addict - Ecce Amor

 

Fleurs de Mai - Ecce Amor

« Pour être heureux vivons cachés », disions-nous, autrefois. Aujourd’hui, avec l’explosion de la bulle Internet, cette aspiration s’est fondamentalement inversée, tout nous porte au contraire au désir de devenir de plus en plus visibles.

Les écrans inondent l’espace public, nous les croisons sans même y prêter attention dans les restaurants, les commerces, les salles d’attente. Variant en quantité et capacité selon les classes sociales mais les touchant toutes, ordinateurs, tablettes, smartphones sont partout connectés dans nos demeures jusqu’à s’inviter bientôt dans le dispositif de nos montres.

Cet extraordinaire phénomène n’a jamais eu de précédent dans l’histoire humaine, certaines valeurs essentielles de notre existence s’en trouvent bouleversées, une page inédite s’ouvre là.

Il n’y a pas si longtemps encore, la célébrité, la reconnaissance, la notoriété d’une personne émergeaient à partir des œuvres qu’elle était capable d’accomplir, d’interpréter, de créer. Sa reconnaissance publique dépendait de son apport fait au monde.

Aujourd’hui, il est possible d’accéder à la visibilité des vedettes et gens célèbres par la seule médiation des réseaux sociaux. Il nous suffit pour cela d’afficher des images de notre vie, des fragments photographiques de notre sphère intime, des captures de nous-mêmes au fil des heures du jour. Dès lors que notre espace virtuel est paramétré en mode public, un pas est franchi.

La suite du processus consiste à poster quotidiennement des photos pour offrir matière à regarder à ses followers, et pour en fidéliser de nouveaux. Pour chaque instantané, une petite légende suffit, le discours est superflu, l’image parle d’elle-même, l’image est souveraine. C’est en cela qu’un déplacement fondamental s’opère aujourd’hui. Nos critères changent : nous nous déplaçons progressivement de la reconnaissance – par le travail – à la visibilité – par l’image. Ainsi, dans notre contemporanéité, « vivre caché » n’est plus synonyme de bonheur. Vivre caché pour un Instagrameur ou un blogueur hyperactif pourrait même représenter la condition redoutée : celle de l’invisibilité et de l’inexistence. Désormais l’assurance d’être visible et vu conditionne notre sentiment d’exister.

S’il n’y a pas lieu de voir un mal à cette visibilité offerte – elle peut bien au contraire se proposer comme une chance – il est pourtant nécessaire d’en comprendre les tenants et les aboutissants pour trouver la saine distance, la juste mesure, l’usage prudent et libre. Le Saint Père lui-même a ouvert un compte Instagram le 19 mars dernier, jour anniversaire de son Pontificat. Il nous montre un exemple de ce que nous pouvons en faire, chacun avec son charisme propre et sa créativité. Ses images postées ne le conduisent pas au dévoilement de ses moindres faits, elles renvoient chacune à un évènement porteur de sens : une rencontre vivante, un regard d’amour, un partage de portée universelle.

Mais si, moi lecteur, j’expose et « starise » ma vie privée sur les réseaux sociaux, sans pour autant être un personnage public, qu’est-ce que cela fait ? Excepté le risque du vol de mes données, quels risques puis-je rencontrer ?

Les risques ne limitent pas à la capture de nos données personnelles, ni à toutes les douloureuses implications que cela peut créer. Certains psychologues n’hésitent pas en effet à corréler la présence permanente et intrusive du regard de l’autre avec l’éruption et la prévalence de maux psychiques contemporains tels que le syndrome de panique. Sans être spécialiste, nous percevons bien la logique de ce lien. Le fait d’exposer sa vie au regard de centaines ou milliers d’abonnés comporte une part de gratification intense et immédiate. Recevoir une foule de likes et commentaires élogieux en postant juste une photo de soi en pyjama, dentifrice à la main, est assurément très dynamisant et stimulant. Le tapis de la salle de bain se mue en tapis rouge, la dopamine des stars devient notre Ricorée du matin.

Mais la contrepartie n’est pas sans conséquence : capturé en permanence par le regard de l’autre, je perds ma liberté. L’autre m’approuve, et m’aliène en même temps car sans sa présence insistante et son appréciation sur moi, je n’ai plus vraiment d’existence. En me validant sans cesse, l’autre m’invalide. Loin de lui et de mon iPhone, je ne sais plus quelle valeur accorder aux divers moments que je vis dans une simple journée. J’ai besoin de les partager au plus grand nombre, je ne parviens plus à les vivre de façon autonome. Mon Je se dissout au profit de mon moi. Ma vie se transforme en un entassement d’instants photographiés. Je perds l’insouciance de mon apparence, et si seule la surface de mon être a de l’intérêt, qu’en sera-t-il de moi lorsque cette image ne sera plus aussi séduisante aux yeux des autres ? Que j’en aie une conscience claire ou non, cette manière d’être au monde tend à me fragiliser à petit feu.

En pareil cas, évaluer le degré de liberté intérieure que l’on ressent en soi, reste un précieux critère de discernement. Bien maitrisés, sans excès ni addiction, ces moyens d’échanges offrent de vraies joies et nous laissent sereins.

Mais si je perçois que j’ai perdu mon autonomie intérieure ou que je suis en train de la perdre, qu’il me soit donné de me souvenir que la puissance de ma volonté demeure intacte. J’ai toujours le choix de reprendre ma liberté par les résolutions qui s’imposent – changer certains paramètres de confidentialité, restreindre mon public, espacer mes apparitions, supprimer des données sensibles, ou désactiver un compte. La paix retrouvée – cette paix inestimable – me permettra de surmonter l’épreuve du manque, de retrouver le goût de vivre dans un univers palpable et vivant, et de sortir de cette impasse, plus clairvoyant, responsable et fort.

En réalité, rien ne nous est enlevé, il nous sera toujours possible de partager nos moindres joies et peines au long des heures, tout en demeurant infiniment respectés dans notre liberté. N’est-ce pas le propre de la prière du cœur ? Le Seigneur nous assure de son indéfectible proximité. En Père tout aimant, il nous ménage notre espace propre, nous regarde avec tendresse, et se réjouit de notre bonheur. Dans sa surabondance d’amour, il nous inspire, nous guide et nous éclaire par la grâce de son Esprit Saint. Et en son Fils bien aimé, il se fait tout proche et nous accompagne à tout moment sur nos chemins de vie !

Et en guise d’illustration, quelques fleurs dans un petit pot à lait, une image partageable universellement. Il suffit de si peu pour que jubile le printemps dans nos maisons. Vive le joli mois de mai !

Commentaires

10 Commentaires

Post a comment
  1. martine #
    avril 26, 2016

    Bonsoir Nathalie
    Comme c’est joli simple est plein de tendresse ce pot de lait avec ces roses il ne manque plus que l’odeur ; je suis d’accord avec ce que vous dîtes sur les images un effet de mode on a l’impression si on ne fait pas comme les autres on n’est pas « normal » ou on ne fait pas parti du groupe ; l’éssentiel ne serait-il pas d’être sincère et simple ; belle soirée à vous et tendre pensée à vous .

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    • avril 26, 2016

      Bonsoir Martine, merci beaucoup de votre message si gentil et sensible. Vous soulignez un point que je n’ai pas pensé à développer. C’est vrai, les communautés qui naissent de ces interfaces ont souvent leur langage, leur code propre, leur private jokes, leur cyber-rendez-vous réguliers. Même si la convivialité, l’amitié et la solidarité existent bel et bien au sein de ces groupes, cela n’est pas perceptible pour les personnes de l’extérieur qui se sentent excluent du fait même qu’elles n’ont pas de compte. Je vous rejoins aussi sur votre conclusion, la sincérité et la simplicité se ressentent spontanément quand un échange s’ouvre et devient partage, sourire d’accueil vers l’autre, quel qu’il soit. Mais quand le propos est axé sur l’exposition de la sphère intime, cela crée généralement un sentiment d’exclusion pour qui ne participe pas à ces échanges, ou bien tout à l’inverse des sentiments d’adhésion parfois complexes (fascination, imitation, compétition…) pour les membres du groupe. Cette tendance est très marquante chez les teenagers. La psychologie humaine est si compliquée !
      Très amicalement, en vous souhaitant une belle soirée. 🙂

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  2. avril 27, 2016

    Merci beaucoup, chère Nathalie, pour la fraîcheur et la pureté de ces images, et la beauté de votre texte si nuancé. Oui, peut-être s’agirait-il juste de donner en partage un peu de notre ciel intérieur, pour que tous nous grandissions en espérance, car Dieu en soi est le secret du bonheur, parmi les vicissitudes de notre monde. Comme tout nous semble soudain si léger en la compagnie très douce et constante de cet Ami incomparable ! Joli mois de mai à vous et à tous ceux qui vous sont chers !

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    • avril 27, 2016

      Comme j’aime votre expression chère Kristel : donner en partage un peu de notre ciel intérieur. Elle résume si bien la meilleure disposition d’esprit que nous pouvons avoir lorsque nous nous ouvrons à des échanges sur la Toile. Notre monde contemporain nous offre des moyens de communication extraordinaires, à nous d’en user avec discernement, sérénité et mesure. Des oeuvres de charité, des amitiés réelles et sincères peuvent se créer par ces médiations. Le Web peut nous rendre très inventifs, et l’Esprit Saint est toujours présent dès que nous portons attention à l’autre pour le soutenir et l’aimer. Merci de votre doux message et très belle journée à vous !

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  3. Porte Plume #
    avril 30, 2016

    Trouver la juste limite en effet…
    Il faut limiter les post, ne pas rester pendue aux Like et autres commentaires,vivre sans emporter son Smart Phone, garder pour soi nos parcelles d’intimité, et être valorisée autrement que par les Followers…par exemple ne pas être sur FB c’est rare et cela protége je pense;-)
    Mais en même temps cette fenêtre du partage stimule la créativité, invite au partage, et booste!
    Alors à piocher le meilleur On peut continuer de bloguer à petite dose;-)
    Merci pour ces fleurs si tendres!!

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    • avril 30, 2016

      Merci beaucoup Porte Plume pour ce point de vue équilibré et sage. C’est vrai, nous apprécions tous l’aspect très relationnel et stimulant qu’offrent ces nouveaux moyens d’échanges. Nos espaces virtuels sont précieux en ce sens, ils nous ouvrent au partage et aux autres. Mais vous avez raison, il est important de « garder pour soi nos parcelles d’intimité », de trier avec discernement ce que nous pouvons diffuser. Nous savons qu’une fois un post mis en ligne, il peut être utilisé par n’importe quel tiers. Dans leur enthousiasme, encouragés et valorisés par leurs followers, certains internautes enfreignent leur propre sécurité en donnant journellement quantité d’informations confidentielles, de façon détaillée, sans les précautions qu’ils prendraient tout naturellement dans la vie réelle et comme si seul leur cercle d’amis bienveillants pouvait les lire et interagir avec eux. Mais la réalité n’est pas si douce. Alors oui, continuons à bloguer avec plaisir, dans la juste mesure ! Très bon dimanche à vous en famille ! 🙂

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  4. Mai 5, 2016

    Bonjour ma soeur, comme tout cela est bien pensé et bien dit. Je me retrouve comme je l’étais au début de mon aventure dans la « blogosphère » dans tout ce que vous exposez. C’était il y a quelques années quand j’attendais fébrilement le moindre « com », la plus petite visite, consultant les stats, les profils, suivant l’affluence… C’était fou ! Cheveux au vent et en bataille tout à la fois, je « surfais » allégrement sur ce qui me semblait tellement nouveau et grisant ! Oui, grisant car on devient vite accro. Dans ce monde fait d’addictions, c’est un risque non négligeable. Ce qui enrichit notre quotidien ou qui paraît le faire, nous appauvrit considérablement par ailleurs. Nul besoin de sortir de chez soi pour faire de vraies rencontres quand tout nous est apparemment donné mais les mots amitié, partage, échange sont alors vidés de leur réalité car devenus virtuels. Dieu merci, comme vous le dites, notre volonté peut faire toute la différence, tôt ou tard. Le Seigneur sait nous faire revenir aux EssenCiels ! Votre ravissant bouquet plein de simplicité en est la preuve, merci. Je vous souhaite une belle journée de l’Ascension ! Bien à vous, Marie-Jo

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    • Mai 5, 2016

      Chère Marie-Jo, merci de votre témoignage si vivant et de votre fine analyse de l’accoutumance qui peut nous guetter quand nous abusons des échanges sociaux sur la Toile. Les experts en cyber-psychologie y réfléchissent régulièrement, ils n’hésitent pas à comparer nos écrans à des miroirs magiques à qui nous pouvons demander de nous faire voir ce qui se passe à tout moment, partout dans le monde, sur tous les sujets imaginables. L’univers est à notre portée en un clic – et cette multiplicité des possibles est encore plus exaltante lorsque nous disposons nous-mêmes de notre propre espace virtuel public avec toutes les interactions et partages que cela peut susciter. Mais vous l’exprimez très bien en parlant d’appauvrissement à haute dose : lorsque nous parcourons le Web, la réalité se fond dans le virtuel. En réalité nous sommes à l’écart de ce que nous voyons, nous sommes juste devant un écran, immobiles. D’où l’importance d’en être conscient pour faire de nos promenades virtuelles un moment récréatif, convivial et enrichissant, tout en vivant en plénitude notre existence palpable et concrète. L’équilibre est tout à fait réalisable. Pour l’avoir ainsi décrypté, vous l’avez assurément trouvé. Très belle Fête de l’Ascension à vous !

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  5. Mai 8, 2016

    Chère Nathalie, merci pour ce billet plein de bon sens : sachons nous « gouverner » comme nous le demandons à nos enfants.
    Passer ses journées sur internet est chronophage, il faut trouver le juste milieu et regarder sa montre pour ne pas oublier la « vraie vie »… Douce soirée.

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